Des laboratoires insolites à l'UdeM - 2ième partie
- Plonger dans la vie de campus
Daisy Le Corre
Maîtriser l'infiniment petit
Lorsqu'on circule parmi les gigantesques accélérateurs de particules du laboratoire René-J.- A.-Lévesque, on est frappé par la densité des sculptures métalliques de toutes tailles qui s'enchevêtrent à travers les ordinateurs et les modules électroniques. Ici trône le plus puissant accélérateur linéaire de faisceaux d'ions du pays, le Tandem, avec ses six millions de volts. C'est dans ce laboratoire qu'on a mis au point, en 1976, la méthode d'analyse des matériaux par «détection des reculs élastiques», qui a fait école. Depuis, l'étude de ce qu'on qualifiait de «couches minces» (de l'ordre d’un nanomètre, soit un milliardième de mètre) fait maintenant partie des nanotechnologies. «Pour les étudiants, l'accès à une infrastructure de pointe comme celle-ci permet de mener une expérience pratique en effectuant des recherches de haut niveau. Le laboratoire est aussi un centre d'expertise précieux pour les partenaires industriels, qui sont nombreux», explique François Schiettekatte, professeur au Département de physique et directeur adjoint du Groupe de recherche en physique et technologie des couches minces. Initialement prévu pour étudier le noyau des atomes, l'accélérateur permet notamment de détecter la matière sombre dans l'Univers. Les appareils de haute technologie qu'on trouve dans l'immeuble situé derrière le pavillon Roger-Gaudry (relevant des laboratoires de microscopie à force atomique, de micro et nanofabrication et d'analyse des surfaces des matériaux) valent quelque 20 M$.
Plonger dans une forêt naturelle
La Station de biologie des Laurentides, à Saint-Hippolyte, est un laboratoire à ciel ouvert. Située à 75 km de Montréal, la station a été inaugurée il y a 50 ans par le recteur Irénée Lussier. Dans cet écosystème unique, on effectue sur quatre saisons des travaux de recherche, des stages et des colloques. Le territoire compte 15 lacs, 10 milieux humides et plus de 50 km de ruisseaux, et abrite des essences diverses: bouleau blanc, chêne et érable rouge, érable à sucre, peuplier à grandes dents, bouleau jaune, sapin baumier, épinette noire et blanche, thuya occidental. Toute cette forêt sert d'habitat à 85 espèces d'oiseaux et de mammifères comme l'ours noir, le cerf de Virginie, l'orignal, le renard roux, le coyote, le raton laveur, le porc-épic et plusieurs autres types de rongeurs. Son aire de 16,4 km2 «constitue un îlot très peu fragmenté, ce qui lui confère un intérêt écologique particulier», selon la Gazette officielle du Québec. Comme la Station jouit du statut de réserve de biodiversité, l'exploitation minière, gazière ou pétrolière, l'aménagement forestier, l'exploitation des forces hydrauliques et toute production commerciale ou industrielle d'énergie y sont interdits. Place à l'enseignement et à la recherche!
Pénétrer dans le silence
La chambre anéchoïque du Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son (BRAMS) est l'un des endroits les plus silencieux qu'on puisse trouver à Montréal. Le chanteur Yann Perreau en a fait l'expérience à l'invitation du journal La Presse en 2010. Il a expérimenté pendant une heure complète non seulement le silence, mais l'obscurité totale. Il en est ressorti dans un état proche de la transe. Les chercheurs du BRAMS peuvent étudier grâce à cette chambre de multiples aspects de la perception musicale. Par exemple, le professeur Marc Schoenwiesner a mené en 2012 une étude psychoacoustique au cours de laquelle des participants devaient localiser la provenance de divers sons. Un dôme de 80 haut-parleurs disposés autour du sujet de recherche permet la présentation contrôlée d'un environnement sonore. Comme les murs et le plafond de la pièce absorbent un maximum d'ondes sonores, aucun bruit extérieur ne vient corrompre les sons étudiés. Le BRAMS compte aujourd'hui plus de 35 membres de renommée internationale et une centaine d'étudiants et de chercheurs postdoctoraux. Il est né en 2003 du rêve de doter Montréal d'un centre interuniversitaire de pointe dans le domaine de la cognition de la musique.
Rouler vers le «soi mobile»
Acquise par Simon Harel, professeur titulaire au Département de littératures et de langues du monde, grâce à une subvention de la Fondation canadienne pour l'innovation, une camionnette Mercedes-Benz qui a dans une autre vie servi à transporter des pilotes de formule 1 entre l'aéroport de Montréal et le circuit Gilles-Villeneuve est devenue l'un des laboratoires les plus originaux de l'Université de Montréal. Véritable studio d'enregistrement mobile, capable d'accueillir confortablement un sujet interviewé et une petite équipe de tournage, le véhicule dispose du matériel permettant le montage audio et vidéo et constitue le point d'ancrage lors d'opérations de sollicitation et de validation de témoignages sur le terrain. Tenant à la fois du camp de base et de la cabine d'enquête, le studio est un «lieu de recherche immergé dans la ville et branché en temps réel sur une banque de données interactive». C'est en vivant le quotidien de la rue avec le studio mobile, parfois jour et nuit, que les enquêteurs entendent prendre le pouls de la métropole. Le Laboratoire du soi mobile est sorti du garage au printemps 2015 et a pris la route du Quartier des spectacles, au centre-ville de Montréal. Chauffeurs de taxi, musiciens du métro et itinérants transportent avec eux des récits de vie qui disparaissent trop souvent sans laisser de traces. «Ces récits méritent d'être mis en valeur et il faut faire preuve de créativité pour les recueillir», affirme M. Harel.
Reprise actualisée par Daisy Le Corre du dossier préparé par Dominique Nancy et Mathieu-Robert Sauvé pour UdeMNouvelles.
Journaliste, Daisy est une amoureuse des mots et de la vie des gens et a toujours des idées plein la tête! Indiscrétion : elle voue un culte infini à Catulle Mendès, l'auteur qui lui permet d'étudier l'androgynie dans les oeuvres décadentes du 19e siècle. Raison pour laquelle elle poursuit sa recherche en littératures à l’UdeM.