Des laboratoires insolites à l'UdeM - 1ère partie

Plonger dans la vie de campus
Par
Daisy Le Corre

L'Université de Montréal, classée au deuxième rang des universités les plus dynamiques en recherche au Canada, compte des milliers de laboratoires. Nous avons visité, pour vous, les plus inusités. Tandis que l'un se déplace sur quatre roues, l'autre est à ciel ouvert. Certains semblent même tout droit sortis d'un film de science-fiction. On y mène des expériences sur l'infiniment petit, l'environnement, la santé et le comportement humain. Visitez ces lieux de recherche insolites.

Découvrir le laboratoire le plus stable du Canada
 

Le pavillon J.-Armand-Bombardier abrite le laboratoire le plus stable de tout le pays. Dirigé par Richard Martel, professeur au Département de chimie, il est construit sur une dalle de béton de sept mètres d'épaisseur et s'appuie directement sur la roche mère du Bouclier canadien. Imperceptible pour nous, ce socle de béton antivibrant est séparé du reste de l'immeuble par une gaine de caoutchouc. Ici, rien ne bouge afin d'étudier la matière à l'échelon atomique. Cette étrange structure n'est pas un caprice d'architecture, sinon les nanostructures de carbone que le chercheur met au point. À l'aide d'un microscope à électrons lents, le titulaire de la Chaire de recherche du Canada de l'Université de Montréal sur les nanostructures et interfaces conductrices d'électricité scrute la matière à des échelles infimes, de l'ordre du nanomètre (soit 50 000 fois plus petit qu'un cheveu), dans le but de caractériser les propriétés des matériaux et de mieux comprendre leur comportement dans diverses conditions. Au nombre des applications possibles de ses travaux figurent les écrans flexibles, le papier électronique, les capteurs chimiques, les sondes biologiques et bien d'autres encore.

 
Pavillon J.-Armand-Bombardier


Inhaler des substances toxiques dans  une salle fermée!
 

À première vue, le laboratoire d'inhalation humaine du Département de santé environnementale et santé au travail ressemble à une salle vitrée bien ordinaire, avec une table et des chaises, à l'exception des ouvertures destinées à faire pénétrer dans la pièce différentes substances toxiques. Gaz, solvants aromatiques ou chlorés inhalés se retrouvent par la suite dans les échantillons de sang et d'urine de participants volontaires. Nul danger cependant, c'est la dose qui fait le poison! Les quantités respirées par les sujets de recherche sont minimes. Mais les données recueillies et intégrées dans des modèles informatiques permettent aux chercheurs de prévoir les niveaux de risque pour la santé. «Il s'agit d'un outil unique pour évaluer chez l'être humain l'accumulation et les effets des mélanges de substances présents dans l'environnement de travail», affirme Sami Haddad, professeur au département et responsable du laboratoire. Quelque 350 intoxications chimiques de source professionnelle sont déclarées chaque année à la Direction de santé publique. Grâce à leurs modèles prédictifs, les chercheurs peuvent mieux déterminer les doses à risque et les dangers associés à l'exposition aux contaminants.

 


Immerger des sujets dans un monde virtuel
 

Quand les projecteurs s'allument, l'étroite pièce aux murs blancs s'efface. Des lunettes cybernétiques et un casque d'écoute immergent le sujet de recherche dans un univers en trois dimensions. Par exemple, il peut se déplacer dans un centre commercial, monter un escalier mécanique ou encore se frayer un chemin dans la circulation. Tandis qu'il se promène à l'intérieur de la voûte d'immersion où les trois murs et le plancher sont en interaction avec lui, des capteurs de mouvement enregistrent ses moindres déplacements afin de voir la façon dont il se comporte dans une foule. «Pour les gens âgés et les personnes qui souffrent d'une maladie oculaire, il est souvent difficile de marcher dans des lieux où l'action est dense, car le mouvement provient de sources multiples. La voûte permet d'analyser des tâches quotidiennes de manière sécuritaire», explique Jocelyn Faubert, professeur titulaire à l’École d’optométrie de l’UdeM. Évaluer la capacité des individus à se mouvoir et à gérer l'information complexe n'est qu'une des nombreuses simulations réalisées à son laboratoire de psychophysique et de perception visuelle. Le professeur de l'École d'optométrie et son équipe y mènent aussi des études sur l'entraînement cérébral chez les athlètes, les aînés et les enfants.

 


Dormir au labo
 

À l'Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, des hommes et femmes trouvent le sommeil dans des chambres semblables à toutes les autres. Mais, de l'autre côté du mur, une équipe suit, sur des appareils électroniques sophistiqués, l'évolution de l'un des grands mystères de la vie : le sommeil. Pour les profanes, les électroencéphalogrammes obtenus ne sont que des griffonnages anarchiques. Pour Julie Carrier, chercheuse à l'Université de Montréal qui consacre ses travaux au sommeil depuis plus de 15 ans, c'est comme une partition musicale. «Les oscillations qu'on voit ici sont les ondes lentes et les fuseaux du sommeil, indique-t-elle avec la pointe de son crayon. Elles pourraient être associées aux pertes cognitives qu'on subit en vieillissant. En tout cas, leur nombre et leur amplitude diminuent significativement avec l'âge.» Vieillissement, rythmes circadiens, alimentation, cauchemars et somnambulisme sont des thèmes étudiés au Centre d'études avancées en médecine du sommeil, qui concentre une bonne partie de la science canadienne dans ce secteur en plein essor. D'ailleurs, les électrodes fixées sur le cuir chevelu pour enregistrer l'activité cérébrale permettent aux chercheurs depuis une cinquantaine d'années de bien suivre le dormeur. Mais ce dispositif a atteint ses limites depuis qu'on dispose d'appareils d'imagerie par résonance magnétique capables d'observer le cerveau en action et en trois dimensions. Le problème, c'est d'arriver à trouver le sommeil dans ces énormes machines.

 

Daisy Le Corre
#Globe-trotteuse #Plume à papote #Queer

Journaliste, Daisy est une amoureuse des mots et de la vie des gens et a toujours des idées plein la tête! Indiscrétion : elle voue un culte infini à Catulle Mendès, l'auteur qui lui permet d'étudier l'androgynie dans les oeuvres décadentes du 19e siècle. Raison pour laquelle elle poursuit sa recherche en littératures à l’UdeM.