Comment lire des mots plutôt que des maux

Plonger dans la vie de campus
Par
Voahirana Raharison

 Perspective étudiante

En tant qu’universitaires, lire fait partie de notre quotidien ; parfois c’est une source d’inspiration, parfois une discipline de résistance musculaire oculaire. D’où cette proposition : comment lire sans agoniser, sans voir double et sans céder au chant de sirène de l’IA ?

Renouer avec la lecture universitaire

Cet article n’offre malheureusement pas le superpouvoir dont nous rêverions tous : celui de lire à la vitesse de la lumière (ou à la vitesse de l’IA). L’objectif est plus modeste, mais sans doute plus utile : apprivoiser notre manière de lire, en gardant les pieds sur terre et nos yeux à peu près alignés sur la page. Voici, à partir de mes essais et erreurs, une série d’étapes conçues pour que la lecture redevienne ce qu’elle devrait être – un terrain d’exploration et pas un champ de bataille. 

Étape 1 - Se disposer à lire 

On commence par cette étape, injustement sous-estimée, que tout le monde met de côté… jusqu’à ce qu’ils se retrouvent à relire trois fois la même ligne : 

  1. Mets par écrit toutes les choses qui te passent par la tête et qui risquent d’interrompre ta concentration ; 

  1. Mets-toi dans une position de lecture confortable afin d’éviter qu’au bout de trente minutes, ton fessier crie grâce ou que ta nuque fasse des bruits normalement réservés aux vieux parquets ; 

  1. Assure-toi d’être dans un environnement facilitant ta concentration (ex : un café pour ceux qui aiment les bruits blancs, une bibliothèque pour le silence, chez soi pour les braves qui défient la procrastination domestique). Bref, le secret, c’est frôler le confort sans sombrer dans la sieste. 

La plupart des échecs de lecture commencent avant même la première ligne, l’étape 1 n’est donc pas à négliger ! 

Étape 2 - Donner du sens à la lecture 

Lire « parce qu’il le faut » est le chemin tout tracé vers l’oubli instantané. Avant d’ouvrir un texte, posez-vous la question qui change tout : Pourquoi est-ce que je lis ce texte ? 

Nous ne lirons pas un texte de la même façon si la réponse est pour comprendre un concept, pour en utiliser la méthodologie ou encore, pour nous préparer au sujet du prochain cours. Lire sans raison, c’est comme courir sur place : on transpire, mais on n’avance pas. 

Étape 3 - Préparer le terrain 

Avant de vous jeter corps et âme sur le texte : 

  1. Déterminez la logique et la structure du texte entre vos mains : table des matières, titre, sous-titres, résumé. Plus le terrain est balisé, moins vous aurez l’impression de marcher de nuit dans une forêt denses de paragraphes. 

  1. Une fois que vous avez une vue d’ensemble du texte, ciblez les zones cruciales selon vos besoins. Un concept à comprendre ? Surlignez les passages correspondants. Préparer un séminaire ? Alignez votre lecture avec le plan de cours. 

Étape 4 - Contextualiser 

Attention au piège : après avoir identifié vos repères, la tentation est grande de ne lire que les passages jugés cruciaux. Grossière erreur : cela revient à regarder uniquement les extraits d’un film et dire qu’on a lu le roman. 

Le bon compromis : lire attentivement, puis accorder à certains passages un simple balayage si vous sentez qu’ils répètent, prédisent, ou s’éloignent de votre objectif de départ. La clé est de garder une vue d’ensemble, même avec des zones de lecture « allégée ». 

Conseils bonus - Humaniser la lecture : 

  • Acceptez que lire demande un effort. Ce n’est pas vous, c’est une condition humaine et ce qui vous permettra d’améliorer vos capacités de lecture. 

  • Lire « pour lire » est une garantie d’oubli : mieux vaut lire moins, mais avec une attention ciblée. 

  • N’ayez pas peur des pauses : continuer par orgueil, c’est un duel perdu contre vous-même! 

  • Prenez un crayon. Gribouillez, annotez, visualisez. La lecture passive est une lente érosion ; la lecture active vous laisse des traces et le flou du lundi peut devenir la lumière du jeudi. 

  • Il faut arrêter de croire que lire s’improvise – c’est aussi spontané que de choisir une photo de profil LinkedIn. 

Une petite conclusion pour les grands lecteurs : 

La lecture universitaire, loin d’être un rituel sacré, est surtout un exercice de survie : naviguer entre des textes denses, résister à l’envie de tout résumer en deux clics avec l’IA, et garder quand même un peu de plaisir entre les marges. Lire, c’est aussi se rappeler que derrière la fatigue des yeux se cache parfois une étincelle d’idée qui change le cours d’une recherche… ou du moins qui sauve un travail remis à minuit moins cinq. 

Lire des mots, pas des maux : voilà le défi. Et dans le pire des cas, rappelez-vous qu’aucun lecteur n’a jamais été sanctionné pour avoir pris une pause – mais beaucoup se sont perdus pour avoir cru que l’endurance tenait lieu de compréhension. 

Voahirana Raharison
#Curiosité #MystèresOrdinaires #SurvivreAvecPanache

Doctorante en relations industrielles à l’UdeM, j’arpente les couloirs des politiques publiques, de l’économie et des contrariétés propres à la vie universitaire. Entre deux graphiques et quelques variables, je prends le pari audacieux de m’attarder à ce que l’on ignore souvent : la beauté tapie dans la routine.

Dans mes articles, attendez-vous à voir la réalité étudiante sous un angle qu’aucun cours n’avait anticipé : gestion du temps, choix existentiels en se brossant les dents, et art délicat de survivre à la productivité imposée. Pas de grandes tirades, mais un regard vif sur ce qui façonne (et parfois titille) notre quotidien. Pour celles et ceux en quête de lucidité, de clins d’œil et de réflexions sans fard, je vous offre des pages où l’ordinaire révèle, à l’occasion, son panache inattendu.