De l’UdeM à Mœbius : Karianne Trudeau Beaunoyer, diplômée en littératures de langue française

l'UdeM racontée par ses étudiant.e.s
Par
Daisy Le Corre

Sous ses faux airs de Cindy Sherman, à laquelle elle a d’ailleurs consacré une partie de son mémoire de maîtrise, Karianne Trudeau Beaunoyer est aussi inspirante que certains personnages de roman. Du haut de ses 26 ans, elle est rédactrice en chef de Mœbius, une revue littéraire québécoise fondée en 1977 et dirigée par Marie-Julie Flagothier. Elle partage aussi son énergie entre son doctorat, la direction littéraire de la collection « Poésie » chez Triptyque et ses propres projets d’écriture. Portrait.

De ses années passées au Cégep Édouard-Montpetit, Karianne, aujourd’hui doctorante à l’Université de Montréal, se souvient de professeurs aussi passionnés que généreux. « C’est là-bas que ma curiosité pour les études littéraires s’est vraiment développée. À partir de ce moment-là, c’était très clair que je voulais poursuivre en littérature à l’université : j’ai alors suivi une mineure en littérature comparée et une majeure en littératures de langue française », raconte celle qui considère le passage du cégep à l’université comme « une occasion de se définir » en dehors des attentes d’autrui. Parents compris.

« J’ai découvert la littérature tardivement. Je viens d’un milieu plutôt défavorisé où la culture n’est pas très présente! […] Encore aujourd’hui, mes parents sont persuadés que je vais enseigner le français au secondaire, c’est ce qui leur paraît le plus concret. Ils me voyaient devenir orthophoniste ou orthopédagogue mais le principe des études supérieures et de la recherche dans les humanités, cela les dépasse un peu. », confie Karianne.

« À l’heure actuelle, j’ai l’impression que la logique utilitaire est très présente dans les discours que l’on tient sur l’éducation, comme s’il fallait toujours que tout conduise concrètement à quelque chose. Je trouve cela désolant […]. La littérature est utile : c’est une formation capitale qui interagit avec les autres sphères de la société, fournit des outils d’analyse importants et infléchit notre rapport au monde. Personnellement, les textes littéraires m’ont formée en tant que personne », rapporte la jeune femme qui, très tôt, s’est aussi intéressée à la création littéraire.

« Les cours de création littéraire que j’ai suivis […] ont eu une grande incidence sur ma manière d’envisager la suite de mon parcours. C’est là que j’ai réalisé que l’écriture (de création) était un travail, une pratique qui requiert de cultiver autant la rigueur que l’abandon, et que c’était un travail toujours en train de se faire […] », explique Karianne, heureuse et méritante récipiendaire des bourses du CRSH et du FRQSC.

« Je ne serais pas où je suis aujourd’hui sans les bourses que j’ai reçues! C’est important de postuler, il faut le faire : si tu ne les demandes pas, tu ne les auras pas. Je n’aurais pas entrepris de maîtrise ni de doctorat si je n’avais pas obtenu de bourses. Je ne sais même pas si j’aurais pu finir mon baccalauréat sans cette aide financière… Cela rend les choses possibles et permet de souffler un peu. »

Indispensables aussi ces rencontres avec des professeurs marquants de l’UdeM, à commencer par Catherine Mavrikakis. « Elle a été déterminante dans mon cheminement. Son érudition impressionnante, sa bienveillance, sa vocation pour la recherche et la création, sa générosité dans la transmission des connaissances et la liberté de sa pensée ont changé le visage de mon passage à l’Université. » Karianne cite également d’autres figures marquantes de l’UdeM : Élisabeth Nardout-Lafarge, Andrea Oberhuber et Claire Legendre. « Leurs enseignements sont mémorables. »

À celles et ceux qui hésitent à se lancer dans les études universitaires ou littéraires, Karianne conseille de faire confiance à cette intuition et à ce désir qui les animent. « Il faut y croire sans compromis, s’armer de patience et de persévérance, mais aussi prendre soin du doute pour s’assurer qu’il demeure un élan, quelque chose qui tire vers l’avant plutôt qu’un frein. »

Aujourd’hui rédactrice en chef de la revue Mœbius, elle travaille avec une équipe talentueuse et assure un rôle protéiforme. « Ce poste m’offre l’occasion de piloter les décisions éditoriales et artistiques qui donnent ses couleurs et son identité à la revue, de réfléchir avec mes collègues aux projets que nous pourrions instaurer pour dynamiser la présence et le rôle de la revue dans le milieu littéraire et d’entamer de riches échanges autour de leurs textes avec les auteurs et auteures qui participent aux numéros que je codirige. »

Les livres importants qu’elle conseille de lire? « Tous ceux de Marguerite Duras, Annie Ernaux et Carole David. Ce sont trois auteures qui ont été extrêmement importantes pour moi. » Le livre qu’on vous préconise de lire? Celui qu’elle écrira.

Daisy Le Corre
#Globe-trotteuse #Plume à papote #Queer

Journaliste, Daisy est une amoureuse des mots et de la vie des gens et a toujours des idées plein la tête! Indiscrétion : elle voue un culte infini à Catulle Mendès, l'auteur qui lui permet d'étudier l'androgynie dans les oeuvres décadentes du 19e siècle. Raison pour laquelle elle poursuit sa recherche en littératures à l’UdeM.